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    La vie de l'écrivain américain George Yermo forme une extraordinaire matière romanesque. Né Guéorgui Yermo-Nicolaïev en 1914 à Saint-Pétersbourg dans une famille de la grande aristocratie russe, il est élevé à New Salem, sous le signe de Melville, d'Emily Dickinson et de Henry James, tous originaires de cette région encore empreinte des valeurs puritaines des fondateurs des États-Unis. Après de brillantes études, une déception amoureuse le transformera en reporter pendant la guerre d'Espagne, et ses articles le rendront célèbre. Puis, au début des années cinquante, après une brève carrière d'universitaire, c'est la visite d'un palais qui changera le cours de son existence : le palazzo de la famille Sanseverino à Venise lui apparaît comme la matérialisation de la maison de tous ses rêves d'enfant. Le palais, son passé et ses secrets, et Lise, sa propriétaire, seront désormais au centre de sa vie.
    Yermo est une vaste réflexion sur la création, et un très bel hommage à Nabokov. C'est un livre riche, foisonnant, comportant des digressions sur la peinture, le théâtre et le cinéma, la philosophie et l'esthétique, les littératures russe et américaine, mais c'est surtout l'originalité du personnage principal, fascinant, qui en fait un texte convaincant d'un bout à l'autre.




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  • Pétrovitch est un écrivain «underground» dont aucun livre n'a été édité sous le régime soviétique et qui - comble de l'ironie - n'a plus écrit une ligne depuis l'effondrement dudit régime. Il survit en tant que gardien dans une immense cité d'anciens appartements communaux, effectue ses rondes dans les interminables couloirs de plusieurs immeubles labyrinthiques, s'installe parfois même dans les appartements après en avoir délogé des intrus. Désabusé et dépouvu d'ambition, Pétrovitch reste un marginal qui aurait pu sombrer dans la déchéance, mais son travail lui donne un statut social malgré lui, d'autant qu'il est doté d'un sens de l'honneur très développé. Sa deuxième raison de vivre est son frère Vénia, peintre génial dans sa jeunesse, qui végète dans un asile psychiatrique, après avoir été brisé moralement par le régime suite à une dénonciation.
    Dans ce livre-fleuve, toute la société russe se met à exister à travers les beuveries, les coucheries sans joie, les amours sans lendemain de ce quasi-clochard et écrivain raté qu'est Pétrovitch. Son récit de la vie des habitants de cette cité, tantôt tragi-comique, tantôt absurde, devient emblématique de tout un siècle de l'histoire russe : un tour de force littéraire et une magnifique interrogation de la condition humaine.




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    «Faire la paix avec les Tchétchènes, ils ne seraient pas contre non plus. Une très longue paix… Les Tchétchènes sont des gens comme les autres. Les soldats pourraient aller à la pêche. Il paraît qu’il y a beaucoup de poisson dans les rivières de montagne, du bon poisson, pas bien gros, il est vrai.
    Malgré tout, l’opinion générale penche du côté de la guerre.
    »


    Alexandre Jiline est commandant de l’armée russe en Tchétchénie, chargé de l’approvisionnement des troupes en essence. Un poste stratégique, qui lui permet de se livrer à un trafic de barils avec l’ennemi tchétchène. Mais Jiline a aussi bon cœur, et les villageois l’apprécient pour cela. En signe de respect, ils transforment alors son prénom en Assan : dans le folklore tchétchène, Assan est une idole de la période préislamique du Caucase qui incarne la vengeance. Mais son histoire personnelle prend un tournant décisif quand il décide de prendre sous son aile deux jeunes soldats devenus inaptes au service en les planquant dans un de ses dépôts de carburants...
    Assan évoque avec brio la sale guerre de la Russie en Tchétchénie, mais ce cadre contemporain, très précis, contient aussi un roman universel qui dépeint avec force les contradictions de tout être humain dans des situations extrêmes.




  • Les treize récits rassemblés dans La couleur de la guerre nous livrent une vision sans fard de la guerre en Tchétchénie. Les atrocités commises entre ennemis, mais surtout le délabrement absolu de l’armée russe sont au centre de l’écriture d’Arkadi Babtchenko. Avec force et sobriété, il évoque les violences entre «camarades», l’alcoolisme, la faim, la saleté, et surtout, la corruption. Car tout le monde vend tout ce qui vendable – y compris des armes et des munitions – à l’ennemi tchétchène, contre de la nourriture ou de l’alcool. L’armée russe rassemble des épaves humaines pataugeant dans la boue, couverts d’excréments et de poux, sans solidarité entre des individus qui ne savent plus pourquoi ils se battent. Les récits du jeune soldat Artiome, alter ego de l’auteur, sont à cet égard d’une noirceur absolue et soulignent en même temps l’étrange fascination qu'exerce sur les hommes cette descente aux enfers.
    Grâce à son talent littéraire, Arkadi Babtchenko nous offre bien plus qu’un témoignage : La couleur de la guerre est un tableau saisissant du désespoir et de la déshumanisation, un livre indispensable sur la condition humaine.